Ecrit par Daniel Dubois web-eau.net: La conscience morale et l'exil fiscal

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mardi 25 décembre 2012

La conscience morale et l'exil fiscal

Un débat hier sur Facebook a retenu mon attention.
Doit-on avoir une conscience morale au moment où notre cher État a besoin des plus aisés pour boucler ses faims de mois ?

Les affaires Arnault et Depardieu défrayant la chronique ces dernières semaines de manière plus ou moins élégante par certains (on ne parlera pas des exils fiscaux de Y.Noah en Suisse ou d'E.Béart en Belgique), on est en droit de se demander si un "gros" doit contribuer de force à l'effort national, au nom de la conscience morale et collective. Ce ne sont pas quelques millions d'euros en moins qui vont les empêcher de manger, de dormir au chaud et de passer de bonnes vacances au soleil. Et ces quelques millions d'euros seraient bien utiles à des milliers, voire des millions, de français. C'est vrai, si on s'en tient strictement à cette vision manichéenne des choses. Mais est-ce en diabolisant 2 ou 3 personnes que l'on va régler les problèmes de Dame France ?

A ce stade de la réflexion, plusieurs choses me dérangent.
La pression fiscale est une maladie française depuis des décennies (oui, la saignée ne date pas de mai 2012) et cette maladie fait de notre pays, un des champions mondiaux en la matière. Mais, trop d'impôts tue l'impôt. Un grand soir fiscal est encore ce qui pourrait nous arriver de mieux, en attendant une hypothétique politique fiscale européenne unifiée. Mais je ne suis pas certain que cette union fiscale serait favorable à Bercy, loin de là.

On invective, on injurie, on vilipende, on aboie sur ceux qui refusent de verser une obole trop conséquente pour le bien collectif. Au lieu d'insultes faciles et gratuites, j'aurais aimé lire des projets d'attractivité, des propositions de redressement économique. Cela aurait donnait aux gros contribuables, l'envie de rester plutôt que l'envie de partir et aux "petits", l'envie de créer. Point de tout ça, malheureusement pour nous.

Nous avons voté et donc accepté la constitution européenne et son article I-10 sur la citoyenneté précise la liberté de libre circulation des personnes au sein de l'Union. Cet article, et tout le traité, s'applique du 1er janvier au 31 décembre et à tout citoyen de l'Union. Il devient alors intolérable de conspuer nos concitoyens qui déménagent en Europe (que ce soit pour des raisons de taxes ou pour toute autre motif) et dans le même temps nous réjouir d'aller acheter nos cigarettes à Irun et faire le plein en traversant le Luxembourg ! Toute proportion gardée, c'est exactement la même chose.

Payer son impôt revient à reconnaitre la légitimité de l’État (relire Thoreau sur ce point). Nous sommes tous en droit de ne pas reconnaitre cette légitimité ou de contester la manière dont ces impôts sont utilisés. Certains payent, certains utilisent des outils de défiscalisation et d'autres déménagent pour échapper à l'effort collectif (autrement dit, à l’excès d'impôts). C'est à l'Etat de faire en sorte que l'effort collectif soit collectif.

Les attaques ad personam me filent la nausée. Je ne peux concevoir un débat dans de telles conditions. Qui êtes vous pour qualifier de lâche et de minable telle ou telle personne ? Que Gérard Depardieu décide de quitter la France (Europe) pour aller vivre en Belgique (Europe) alors que la crise économique dure depuis 2007, on peut trouver ça "minable" si l'on est adepte de la vulgarité et que l'on manque de fond dans ses réflexions. On peut le qualifier de tous les noms d'oiseaux, je ne crois pas que cela nous rapproche de la conscience morale. Ce que je trouve "minable, c'est de ne rien proposer d'autre que ce lynchage abject. Ce que je trouve lâche, c'est de ne compter que sur les impôts des autres pour avancer.

Vous appelez à la solidarité nationale, sans pratiquer l'équité. Les avantages financiers procurés par les différents mandats électifs (députés, sénateurs, etc) ne sont pas, et c'est le moins que l'on puisse dire, un exemple à suivre. Oh combien de ministres, d'élus ont dû démissionner pour des raisons d'abus de biens sociaux, pour des raisons d'indélicatesses financières et autres scandales ? Vous avez dit conscience morale ? Quand on juge les autres, il faut être soi-même exemplaire.


Maintenant, on nous dit que ces 2-3 contribuables ont désertés (ah bon, nous sommes en guerre ?), Dame France va s'effondrer et que ses 65 millions d'enfants vont morfler. Là, ça devient carrément lyrique.

Il est toujours plus facile de hurler à la mort que de proposer. Toujours pas d'idées alors que "le changement, c'est maintenant". Toujours pas de projets concrets alors qu'il y a urgence. En fait, le départ de ces quelques gros contribuables est une opportunité inespérée pour le gouvernement qui tient là, les futurs bouc-émissaires du crash que nous allons nous prendre en pleine face dans les prochains mois. C'est déjà ça de gagné, doivent se dire les locataires de l’Élysée et de Matignon. Au lieu de ça, j'aimerais que ces messieurs (et toute la classe politique avec, soyons fous) profitent de cette actualité pour se remettre en question et se demandent ce qu'il faut faire pour inverser la tendance.

Je ne suis qu'un modeste français, parmi tant d'autres. Je n'ai pas d’appétence pour l'exil fiscal. Je n'ai pas des millions à exiler mais l'envie de travailler et de construire pour mon pays. Sinon, je serais déjà à Dublin ou à Hong-Kong. Ce n'est pas de la conscience morale, c'est un choix personnel. Si demain, j'estimais que les conditions n'étaient plus réunies pour rester au pays de la Douce France, je partirai. Et sans regrets.

Pourquoi de plus en plus de personnes veulent quitter ou quittent la patrie : du jeune sans diplômes et sans espoir qui rêve d'eldorados lointains, en passant par l'étudiant de HEC qui aspire à la Californie, nos grands patrons du CAC40 et jusqu'à nos artistes et sportifs de droite comme de gauche qui s'exilent en Suisse ou en Belgique pour des raisons fiscales ?

La responsabilité incombe-t-elle uniquement aux partants ou bien notre chère République a-t-elle sa part en ne sachant plus retenir ses enfants ?

Moi, je ne vois que l'incapacité de nos politiques à donner de réelles perspectives d'avenir à ses enfants qui partent, à ses artistes, sportifs qui s'exilent et ses créateurs de richesse qui claquent la porte.

Mais il est toujours plus facile de ne voir que les départs sans en analyser les causes et sans apporter de solutions.

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